Le jardin des secrets


Les romans, Sélection / dimanche, mars 12th, 2017

 « Par ailleurs, cette vie d’ermite avait des aspects positifs imprévus : depuis qu’elle écrivait seule dans sa chaumière, ses personnages prenaient de la substance. Elle surprenait des fées batifolant dans les toiles d’araignée, des insectes échangeant à voix basse des incantations secrètes sur les appuis de fenêtre, et, dans le fourneau, des esprits qui vivaient dans le feu et passaient leur temps à émettre des sifflements et des crachotements. Parfois, l’après-midi, elle s’installait dans son fauteuil à bascule pour les écouter. Et tard le soir, quand les créatures étaient endormies, elle narrait leur histoire au fil de contes qui n’appartenaient qu’à elle ».

Auteur : Kate Morton
Éditeur : Pocket
Parution : 2008
Pages : 696

 Résumé

Esquisse, John William Waterhouse

Une petite fille de quatre ans à peine, attend, perdue, ses petites mains agrippées à une valisette de cuir blanc qui ne contient qu’une robe neuve et un mystérieux livres de contes illustrés de gravures. Elle ne sait où elle est et elle refuse de dévoiler son nom, dans le jeu qu’elle a débuté avec la Conteuse, elle a promis de ne jamais le donner… Elle s’y tiendra jusqu’à l’oublier. A l’aube de 1913, on ne se préoccupe pas autant de ce couple infertile qui du jour au lendemain héberge une fillette de 4 ans…   Avec elle, le bonheur se pose dans la famille pour des années et d’autres enfants viennent compléter le beau tableau. 

Pourtant, le soir de sa majorité, elle apprend la terrible vérité : elle a été adoptée et on ne sait rien de son passé et de ce qui l’a amené en Australie. L’identité que c’était construite la jeune femme se brise, elle repose sur des mensonges. Elle ne sera plus jamais pareil et n’aura de cesse que de vouloir trouver ses racines. Hélas, la vie s’écoule sans qu’elle puisse réellement avancer dans sa quête… Et ce n’est qu’à 65 ans qu’elle traverse l’Océan vers le pays qui l’aurait vu naître : l’Angleterre. 

Armée d’un carnet et de maigres informations, elle tentera de délier l’écheveau compliqué de son passé… Jusqu’à trouver une piste. Mais son séjour est achevé, et là voilà qui repart vers Brisbane avec la ferme intention de repartir dans les plus brefs délais vers son histoire et ses secrets. 

C’était sans compter les aléas de la vie et une arrivée imprévue… Les deux semaines se muent bientôt en deux décennies. Jamais Nell ne reverra les falaises de Cornouailles. 

Le carnet et la petite valise de cuir blanc tomberont dans les mains de Cassandra, sa petite fille. C’est maintenant à elle d’aller sur les pas de sa grand-mère, afin de lever le voile sur prêt d’un siècle d’histoire familiale, et à travers ses racines, peut-être, retrouver un sens à sa vie…

 

Mon avis

Dès le début, j’ai été happée dans cette histoire et je n’ai d’ailleurs pas pu laisser ce livre que j’ai dévoré en quelques jours. Je crois qu’il y avait tout ce que je pouvais aimer dans une histoire : une histoire ancienne remplie de mystères et de secrets, une amitié intense et incroyable, des personnalités qui flirtent avec la folie et la démesure des sentiments, de l’histoire de l’art et des contes… 

Photographie de Maud Fealy
Photographie de Maud Fealy

Cassandra, qui est notre fenêtre ouverte vers l’histoire, est en effet une étudiante en art et en histoire de l’art, et c’est en premier lieu à travers cette facette qu’elle entrera dans l’histoire de sa famille, à travers les magnifiques gravures qui ornent les pages du mystérieux livre de contes que sa grand mère à amené avec elle en Australie et qui est le seul indice concernant son identité. Car Nell en parlait, de cette étrange Conteuse, celle qui lui a demandé de l’attendre et de ne jamais révéler son nom… C’est donc en tentant de reconstruire le passé de la Conteuse, que Cassandra débute ses recherches. Et munie du carnet que sa défunte grand-mère lui a léguée, elle décide de sauter dans un avion vers l’inconnu.

En tant que lecteur, on se retrouve plongé dans ces nombreuses trames de vie… Cassandra, Nell, Eliza, Rose, Adeline, Georgiana, … C’est avant tout une histoire de femmes qui nous est contée, où les hommes sont presque tous des fantômes et d’étranges présences inquiétantes rodant dans la vie des héroïnes. Ils sont une partie des enjeux et des folies mais ce sont les femmes qui dessinent la puissance des sentiments. Au cours de l’histoire, on alterne entre chacune des trames temporelles, le présent, le carnet, le passé. En tant que lecteur, nous avons la chance inouïe de découvrir peu à peu chaque fragment. 

« C’était une impression étrange de faire ainsi connaissance avec la petite personne qui avait grandi dans son ventre, de caresser les mains et les pieds menus qu’elle avait si souvent attrapés quand ils poussaient de l’intérieur contre la paroi de son ventre, d’observer ces jolies lèvres qui semblaient sur le point de parler. Cette petite personne arborait une expression d’infinie sagesse, comme si, lors des premiers jours de son existence, elle conservait le savoir acquis dans une vie antérieure qui venait juste de prendre fin. »

"The Old Gateway",  Thomas Edwin Mostyn
« The Old Gateway »,  Thomas Edwin Mostyn

Nell, l’enfant cherchée et l’enfant qui cherche est au centre de l’histoire, sa disparition, dans le passé ou le présent a laissé de profondes blessures. Le passé nous la raconte enfant, son carnet nous la livre adulte, et Cassandra nous trace les traits d’une vieille dame au fort caractère. Pourtant le personnage qui m’a le plus marqué, c’est indéniablement la Conteuse, cette femme à la vie troublée qui a le don, depuis son plus jeune âge, d’emmener ceux qui l’entourent dans des récits tous plus magiques et terrifiants que les autres. Elle est habitée par les fantômes et le malheur, de sa tristesse elle créé des contes que nous avons le plaisir de lire au fur et à mesure de l’histoire. La Conteuse est un personnage passionné et passionnant, une créature à la beauté sauvage et à la crinière rousse. Une femme qui défie les conventions, pieds nus sur les falaises sombres de Cornouailles. Une belle endormie qui rêve au coeur de son magnifique jardin emmuré, auquel on accède uniquement grâce à un sombre labyrinthe…

Derrière les dernières images de Nell et les bribes d’histoire se cachent se cache la vérité. Et décidément, celle-ci, même si je l’avais pressentie, reste troublante et très émouvante, tant l’auteure est parvenue à nous dessiner des personnalités hors du commun auxquelles on a pas manqué de s’attacher considérablement au fil de la lecture. 

Il restera sans doute toujours une part de ce jardin dans mon esprit…  Et je ne peux que vous encourager à vous perdre également sur ses sentiers… ! Et je serais curieuse de connaître vos impressions !

 

« 
La chaumière ne comportait pourtant rien de très menaçant au premier abord. La nature avait envahi le jardin et la nuit tombante se déversait dans tous les coins en s’installant dans des poches d’ombre fraîche. Un étroit sentier partait en direction de la maison pour bifurquer furtivement devant la porte d’entrée et sinuer à travers le jardin. Au fond se dressait une statue solitaire, maculée de lichen verdâtre. Elle représentait un chérubin nu au milieu d’un parterre; ses grands yeux étaient de toute éternité tournés vers la chaumière. Non, pas un parterre ; un bassin ornemental. Nell rectifia mentalement à une telle vitesse et avec une telle certitude qu’elle vacilla et dut se retenir à la grille. Comment pouvait-elle savoir ça ?

 

Alors le jardin se mit à changer sous ses yeux. Et les mauvais herbes qui s’y accumulaient depuis des décennies régressèrent, les feuilles mortes se soulevèrent pour révéler des sentiers, des plates-bandes fleuries, un banc… Le soleil fut à nouveau autorisé à y pénétrer; il fit aussitôt miroiter  la surface du bassin. Et Nell se retrouva à deux endroits à la fois : elle était en même temps une dame de soixante-cinq ans au genou meurtri, agrippée à un portail rouillé, et une petite fille aux longs cheveux tressés qui, assisse sur l’herbe fraîche et moelleuse, remuait ses doigts de pied dans l’eau… »

 

Jardin Secret

C’est un pure hasard, mais cette chanson ne peut m’empêcher de penser à la Conteuse.  
Elle pourrait littéralement avoir été écrite pour cette histoire !

« Sous le lierre
Au creux des bruyères et des ronces
Des ronces
Sont cachées
Tapies sous les pierres
Les réponses… »

Un grand nombre de peintures romantiques et préraphaélite m’évoquent les lieux et les personnages, j’en ai d’ailleurs sélectionnées quelques unes pour illustrer ma critique et sinon, d’autres sont visibles sur Pinterest

Le Jardin des secrets sur Livraddict

Le livre des Secrets sur Babelio

Images : 
Esquisse, John William Waterhouse
Photographie de Maud Fealy
« Love Among The Ruins » (détail), Edward-Burne-Jones
« The Child » (détail), Thomas Edwin Mostyn
« The Old Gateway »,  Thomas Edwin Mostyn
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