Histoire : de l’album et de la littérature de jeunesse


Le mémoire, Tout / lundi, juin 25th, 2012
L’album, c’est avant tout une longue histoire[1]. Le premier livre pour enfants est un sujet à débat, certains citeront la Civilité puérile d’Érasme (1530), d’autres l’Orbis sensualium pictus  de Coménius (1658), les Histoires ou Contes du temps passé, avec des moralitez de Perrault (1697) ou encore les Aventures de Télémaque, fils d’Ulysse de Fénelon (1699). L’essor du livre d’enfance correspond à l’époque où la société reconnaît le statut de l’enfant en tant que tel. L’enfant devient un sujet éditorial dans le courant du XVIIIème siècle. Au XIXème siècle, la littérature d’enfance prend réellement essor.

L’album est un terme ambigu et peu évocateur, là où le terme anglais Picture books signale d’emblée la spécificité de l’ouvrage : la présence d’images. Le terme français descend des carnets contenant les croquis et les sentences des voyageurs, l’album amicorum, de la période romantique. Il n’était alors que le support mémoriel d’une personne privée. L’album désigne également le carnet de notes et de croquis des artistes ou encore le recueil de gravures.

Ces différents albums ont un point commun : ce sont des recueils. Ils tiennent de la collection et de la liste plus que de la narration. Et comme le précise Ségolène Le Men : « Ce genre iconique n’eut pas de réelle postérité, à l’exception remarquable de ce qu’il allait engendrer dans le domaine du livre pour enfants [2] ».

pierre_ebouLes albums d’enfance de type recueils existent dès la Restauration et le Second Empire, mais il n’y a pas encore de narration suivie. C’est en 1860 que l’on identifie le premier album pour enfants au sens contemporain du terme, il s’agit de Pierre l’ébouriffé d’Heinrich Hoffmann. Cet album donne à voir une grande diversité d’agencements possibles entre le texte et l’image. D’autres albums du même type sortiront dans les années qui suivent dont La journée de Mademoiselle Lili chez Hetzel en 1862.

L’album de la fin du XIXème siècle consacre l’image dans le livre : l’image devient prépondérante en comparaison de l’illustration rare et subordonnée au texte des livres illustrés. L’image va peu à peu conquérir de l’espace sur le texte, elle va également tenir un rôle plus déterminant dans la narration et accroître sa dimension expressive.

Mademoiselle LiliLes éditeurs du XXème siècle vont renforcer le rôle et la place de l’image au sein de l’album grâce à une politique éditoriale valorisante. L’album francophone va pouvoir évoluer tout au long du siècle au gré de ces démarches.

L’éditeur Robert Delpire permet à l’album de prendre toute sa dimension dans les années cinquante. Publiciste et éditeur d’art, il a travaillé avec de nombreux illustrateurs de talent tels qu’André François ou Georges Lemoine. Il ne conçoit pas les albums comme des productions uniquement destinées à la jeunesse, mais comme des créations à part entière qui permettent une expression globale.

« La part d’initiative et la priorité accordées à l’artiste dans la conception et la réalisation de l’ouvrage, le statut secondaire du texte (abrégé, résumé ou réécrit), l’appropriation par l’image des privilèges de l’écrit, notamment sa fonction narrative, l’exploitation visuelle de la typographie et des caractéristiques matérielles du support (format, double page, reliure), l’investissement par l’image de nouveaux espaces (couverture, pages de garde, page de titre, table des matières, etc.) constituent les caractéristiques propres à l’album au tournant du XXe siècle[3] ».

Dans les années septante, d’autres éditeurs, François Ruy-Vidal et Harlin Quist, relèvent le gant et s’engagent dans des projets éditoriaux où l’image va devenir un véritable moyen d’expression artistique. Ils rompent volontairement avec la fonctionnalité pédagogique de l’album, l’image n’est plus seulement une copie du réel et un support d’apprentissage mais devient l’ « embrayeur d’une dynamique de l’imaginaire »[4]. L’image se fait plus complexe, provocatrice voir parfois symbolique avec des illustrateurs tel que Henri Galeron, Patrick Couratin, Étienne Delessert. On les retrouve notamment dans la collection Enfantimage créée par Pierre Marchand en 1972.


[1] Etant donné qu’il ne s’agit ici que d’un aperçu historique, vous pouvez consulter les ouvrages suivants pour de plus amples informations :  Un siècle de fiction pour les 8 à 15 ans (1901-2000) à travers les romans, les contes, les albums et les publications pour la jeunesse  et   Littérature de jeunesse et presse des jeunes au début du XXIe siècle de Raymond Perrin , ainsi que le catalogue de l’exposition Babar, Harry Potter & Cie. Livres d’enfants d’hier et d’aujourd’hui  et Lire l’album  de Sophie Van der Linden.

[2] LE MEN, Ségolène, Le romantisme et l’invention de l’album pour enfants dans GLENISSON, Jean et LE MEN, Ségolène (dir.), Le livre d’enfance et de jeunesse en France, Société des bibliophiles de Guyenne, 1994, p. 145-175.

[3] RENONCIAT, Annie,  Origine et naissance de l’album moderne  dans Olivier Piffault (dir.), Babar, Harry Potter et Compagnie. Livres d’enfants d’hier et d’aujourd’hui, Paris, BnF, 2008, p.213.

[4] DUBORGEL, B., Imaginaire et pédagogique – de l’iconoclasme scolaire à la culture des songes, Paris, Le sourire qui mord, 1983, p. 73.

 

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