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Pinashuess
Texte de Marie Fontaine

 

Cette histoire est écrite par Marie Fontaine, Montagnaise. Elle reprend le thème de la fête de Noël que les famille, passant l'hiver ensemble sous la tente pour chasser, ne manquaient pas de célébrer en pleine forêt. Pinashuess, le nom de l'enfant, veut dire : " Petit François ". Kuei Keui ! signifie " bonjour " en langue montagnaise. Le makusham est la dans traditionnelle qu'on exécute au son du tambour dans les grandes occasions, après un copieux festin de caribou et de graisse de caribou.

En ce matin d'hiver, quand le soleil se leva sur la majestueuse forêt, un enfant surnommé Pinashuess vivait avec une famille, sous la tente. Pinashuess était un petit garçon très obéissant. Il aimait que son père lui apprît à chasser. Quand ils partait tous les deux, ils n'arrêtaient pas de parler car Pinashuess voulait tout savoir des animaux.

Ce matin-là, ce n'était pas un jour comme les autres. Il faisait beau, il n'y avait pas un seul nuage dans le ciel et c'était la veille de Noël. Comme chaque année, les famille passaient l'hiver dans les bois et déterminaient un point de rencontre pour passer la fête de Noël.

Pinashuess décida d'aller voir ses hameçons tendus sous la glace.

" Tiens, se dit-il, je sens que c'est un gros poisson. Maman va être contente, elle aura quelque chose à faire cuire pour la rencontre des familles demain à Noël. "

Puis, Pinashuess retourna au campement. Il était presque arrivé lorsque soudain quelqu'un lui adressa la parole :

- Keui Keui !

- Keui Keui ! répondit Pinashuess en se retournant.

Mais il ne vit personne, sauf un lièvre assis près d'un sapin. " Mais qui ça peut bien être ? Il n'y a personne ! " se demanda Pinashuess qui courut au campement en se disant que c'était sans doute sa mère qui l'avait interpellé. Il souleva la toile et vit que ses parents dormaient profondément. " Il doit sûrement y avoir quelqu'un derrière la tente... Mais non ! Pourtant, j'ai bien entendu une voix. "

Le lièvre était resté à la même place et fixait l'enfant. Pinashuess réagit et fit semblant de courir. Le lièvre ne bougeait pas. Pinashuess refit le même geste. Le lièvre restait toujours immobile mais parla :

- Bonjour, dit-il en montagnais. Voyons, qu'est-ce qui te prend ? Je viens juste te dire bonjour !

Et Pinashuess, tout surpris de l'entendre parler :

- Est-ce que c'est toi qui me parlait ? Non, ce n'est pas possible !

- Eh oui ! répondit le lièvre, c'est bien moi ! Mais pourquoi es-tu surpris ? Ton père ne t'a jamais raconté qu'autrefois, il y a bien longtemps de cela, les animaux et les hommes vivaient ensemble. Il se côtoyaient et se comprenaient tellement qu'ils venaient à imiter leurs comportements respectifs. Tu vois, certains animaux empruntent encore aux hommes leurs habitudes de vie. Ainsi, lorsque vient le temps d'hiverner, les animaux étendent des branches de sapin dans le fond de leur trou à la manière des hommes qui mettent du sapinage dans leur tente en guise de tapis. Si tu voulais, je t'amènerait faire un tour au royaume des animaux car, chez nous, c'est aussi à Noël que tous les animaux de la forêt se rassemblent.

- Ah oui ! J'aimerais tellement ça ! s'exclama Pinashuess. Mais il faut qu'on revienne avant que mes parents se réveillent. Il ne faut pas qu'ils s'inquiètent à cause de moi.

- On y va ! rétorqua le lièvre. Mais avant, va me casser des branches de sapin. Je te dirai ensuite quoi faire.

Pinashuess courut chercher le sapinage ; il avait tellement hâte de voir ce que le lièvre allait en faire.

- Tiens, je les ai apportées, dit l'enfant en revenant. En as-tu assez ?

- Oui, je vais en étendre un peu sur la neige et tu vas t'asseoir à côté de moi, expliqua le lièvre. Viens ! assieds-toi , ferme les yeux, et surtout, ne triche pas car mon pouvoir ne marchera pas.

Alors, Pinashuess ferma les yeux très fort et, soudain, il se sentit comme soulevé et agité, comme s'il était emporté par les branches de sapin.

- Maintenant, tu peux regarder, reprit le lièvre.

Pinashuess ouvrit les yeux et la première constatation qu'il fit, c'est que ses mains étaient poilues et toutes blanches. Il regarda aussi ses pieds, il avait de longues pattes et sentait ses grandes oreilles se dresser.

- Mais vous m'avez changé en lièvre ! s'exclama-t-il.

- Ne t'inquiète pas ! répliqua le lièvre. Il fallait bien que je te transforme en lièvre pour t'amener visiter notre royaume. Sans cela, on ne t'aurait pas laissé passer ! Bon dépêchons-nous !

Pinashuess se sentait bien dans la peau d'un lièvre. C'était la première fois qu'il courait si vite, Il agissait comme un lièvre. Il dressait ses grandes oreilles pour écouter et quelquefois il faisait des pirouettes. Il était tout émerveillé de ce qui lui arrivait et cria à son ami :

- Regarde-moi, je suis aussi rapide que toi et je me sens si léger, on dirait que je vole. Je n'en reviens pas. C'est comme dans un rêve !

Ils arrivèrent à la clairière du royaume. Déjà les animaux étaient très occupés à s'installer. Pinashuess était très heureux de pouvoir s'approcher d'eux, car il n'avait jamais eu l'occasion de les voir de si près. Il resta bouche bée à les regarder et les admirer. Il était si content d'être parmi eux et de pouvoir tellement mieux les connaître.

Le lièvre lui suggéra de ne pas rester planté là :

- Va te promener. Va leur présenter tes meilleurs voeux de Noël.

Pinashuess s'approcha alors du renard qui était en train de construire son terrier.

- Keui ! mon ami, dit-il. Je te souhaite d'avoir un pelage qui reflète la couleur du soleil.

Et le souhait se réalisa à l'instant même.

Pinashuess décida ensuite d'aller voir l'ours qui lui confia :

- Si tu en viens à fonder une famille, prends bien soin de tes petits comme je l'ai toujours fait !

- Tu mérites tellement de respect, lui répondit Pinashuess, que je te souhaite que toutes les nations t'appellent toujours " nimushum ounukum " comme te nomment les Amérindiens qui savent t'honorer.

Puis Pinashuess alla saluer le caribou qui était tout ému de le recevoir. Le caribou lui offrit de l'eau du lac. Pinashuess, tout en buvant, vit son visage dans l'eau, et c'est ainsi qu'il lui dit :

- Pour te remercier de ton hospitalité, je te souhaite qu'à chaque automne, lorsque viendra le temps pour toi de frotter aux arbres ton panache afin d'enlever la peau qui le recouvre tu puisses t'admirer sur le miroir des eaux avec tes majestueux bois qui font de toi le plus beau des animaux.

Le caribou remercia Pinashuess et lui présenta son ami le castor.

- Keui Keui ! mon ami, accepte mes meilleur voeux, dit Pinashuess en le saluant. J'ai toujours admiré la vaillance et la façon dont tu transmets le goût du travail à tes petits. C'est une grande richesse.

La fête continuait, tous les animaux fraternisaient. Au même moment, Pinashuess aperçut une grosse boule noire parmi la foule. Son cœur se mit à battre car c'était son ami le porc-épic.

- Je t'ai perdu, mais où étais-tu donc passé ? lui demanda l'enfant. Il y a longtemps que je ne t'ai vu !

- Vois-tu, avec le temps qu'il a fait je n'osais pas m'aventurer trop loin de mon habitat, répondit le porc-épic. Mais je suis vraiment content de te rencontrer en ce jour de Noël et je t'offre toute mon amitié.

Ce à quoi Pinashuess répondit :

- Je te souhaite qu'à chaque année, lorsque tu grimperas dans les arbres, tu choisisses les sapins qui ont des aiguilles les plus pointues ; ainsi, tu pourras te frotter sur elles pour rendre ton poil plus rude et plus piquant, ce qui te servira de moyen de défense au cas où tu serais en danger.

Déjà, on commençait à danser le makusham en signe de bienvenue à tous. Mais Pinashuess regarda le hauteur du soleil et comprit que c'était déjà le temps de partir. Il alla à la rencontre de son ami le lièvre. Ils s'installèrent sur les branches de sapin et repartirent. Déjà loin, ils entendirent les cris des outardes qui, à peine arrivées au rassemblement, pleuraient d'émotion. Et Pinashuess retourna fêter Noël avec sa famille et ses amis, tout heureux d'avoir vu aussi celui des animaux.

J'offre cette légende en cadeau à chaque enfant car il sait à quel point les animaux comme les humains méritent toute notre amitié et notre respect.

 

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