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La main de la Louve

Le soir descendit sur les monts d'Auvergne et la chasseur à l'affût savait que l'heure était bonne. Une heure étrange que l'on nomme << entre chien et loup >>, quand les silhouettes perdent leurs contours et qu'on ne saurait différencier un chien d'un loup. C'est à ce moment que les animaux sortent pour aller boire, et ceux qui les chassent les suivent à pas de loup. Le chasseur guettait une biche non loin d'une mare ou des traces de sabots s'enfonçaient dans la terre noire. Le silence s'appesantissait sur la foret. Au dessus des fougères rousses, il lui sembla voir un frémissement. La main crispée sur son arquebuse, il attendit. Un peu plus loin, les fougères tremblèrent encore. Si c'était une biche, elle était sur ses gardes ! Un sanglier ? Le chasseur sourit en secouant la tête. Mais son sourire se figea aussitôt sur ses lèvres. Un loup, ou plutôt une louve furieuse venait droit sur lui ! Il se leva et se prépara à tirer mais elle avait déjà bondi. Le coup partit en l'air. Il lâcha son arme pour se protéger des deux bras car les crocs de la bête cherchaient à lui déchirer la gorge. Il eut juste le temps d'empoigner son coutelas et se mit à donner des coups au hasard. Brusquement il sentit que la lame pénétrait dans la chair de l'animal qui hurla et lâcha prise. L'instant d'après, il avait disparu dans les taillis, laissant derrière lui une traînée de sang. Le chasseur songea à le poursuivre pour l'achever car une peau de loup valait son prix, mais il se sentait las, les épaules meurtries par le poids de la bête. En ramassant son mousquet, il sursauta : par terre gisait une patte de l'animal que la lame du coutelas avait tranchée. Une patte fine puis glissa son trophée dans sa besace. Arrivée à la lisière du bois, là ou les champs labourés descendaient en pente douce jusqu'au village, il sentit ses forces l'abandonner. Que diable lui avait fait cette louve ? Une lumière brillait toute proche, comme pour inviter le voyageur égaré. Il entra dans une cour et fut bientôt accueilli par le maître des lieux, qui le garda à souper. Vous excuserez mon épouse, dit celui ci en tendant un siège à son hôte. Elle est rentrée de promenade en grelottant et préfère ce soir garder la chambre. Le repas, arrosé d'un bon vin, fut délicieux. Mis en confiance, le chasseur ne tarda pas à raconter sa mésaventure. Tenez, dit il, en ouvrant sa besace, je vais vous la montrer, cette patte de loup ! Hélas ! Ce ne fut pas une patte noire et poilue qu'il posa sur la table, mais une main,élégante et chargée de bagues que l'on avait tranchée au dessus du poignet. Retenant un cri, l'homme se pencha vivement vers les bagues sans oser y toucher. Quand il releva la tête, il était livide. Je reconnais là, balbutia-t-il, la main de ma épouse. Aussitôt appelée,la pauvre femme descendit jusqu'à la salle. Elle était vêtue d'un manteau sombre qui l'enveloppait tout entière. Sous le regard menacent des deux hommes, elle dut sortir de sous l'étoffe le moignon ensanglanté qu'elle tendait de dissimuler. Maudite louve ! Hurla son époux tandis qu'elle perdait connaissance. Quelques temps plus tard, on brûla sur la place du village une jeune femme à la main tranchée, jugée coupable d'appartenir à la monstrueuse famille des loups-garous.

 

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