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Comment le loup vint au monde
COPPIN, Brigitte, Seize contes de loups, Flammarion, n°680

Dans le vert paradis des temps très lointains, lorsque Adam et Ève eurent croqué la pomme défendue, Dieu fut tellement fâché qu'il les chassa pour toujours.

Les regardant s'éloigner, tristes et nus, il eut pitié d'eux et leur tendit un dernier cadeau : une baguette magique! Il suffisait, leur dit il, d'en frapper la mer pour voir arriver quelque chose de bon.

Adam prit le bâton et le tourna dans tous les sens. Comment cette chose longue et brune allait elle leur faciliter la vie ?

Il décida de l'essayer sans tarder.

En serrant bien fort la baguette dans ses mains, il entra dans l'eau jusqu'aux genoux et, d'un geste maladroit, toucha de la pointe la surface de la mer.

Aussitôt, un remous se fit. Ce fut une brebis qui sortit de l'eau en secouant sa blanche toison.

Adam la regarda : elle avait l'air dodue et docile...Prends bien soin de cette bête, dit il à Ève, elle nous donnera des vêtements chauds et du fromage pour manger avec notre pain.Mais Ève pensa qu'une seule brebis faisait un maigre troupeau, bien trop petit pour nourrir et vêtir les nombreux enfants qu'ils auraient bientôt.

Elle s'empara de la baguette et frappa sur l'eau à son tour.

Aïe! se dit elle en relevant le bras, cette seconde bête ne ressemble pas du tout à la première ! Un pelage gris, des oreilles pointues, une longue queue touffue, des yeux étranges et surtout des dents… des dents faite pour bien autre chose que pour croquer des pommes !

C'était un loup ! Ève aurait bien voulu apprivoiser le nouveau venu, passer la main dans l'épaisse fourrure, mais, avec un grondement terrifiant, l'animal retroussa le museau pour bien montrer ses crocs.

Effrayée, elle recula. Le loup en profitant pour se jeter sur la brebis et l'emporta vers les bois afin de la dévorer tranquillement.

En voyant disparaître leurs provisions de fromage et de vêtements chauds, une grande colère monta dans le cœur d'Adam.

Il saisit à nouveau la baguette; il aurait pu battre sa femme mais cette idée ne lui était pas encore venue et il se contenta de fouetter la mer avec rage.

Un chien bondit hors de l'eau, qui courut derrière le loup en aboyant très fort. De terreur, le loup lâcha la brebis et se sauva vers la lisière de la foret. Adam était content; il laissa tomber la baguette pour flatter le chien.

Sans faire de bruit, Ève la ramassa et caressa la mer d'un geste léger.

Une forme rousse s'en échappa : Ève venait d'inventer le renard, qui rejoignit le loup au fond des bois.

Museaux gourmands et dents pointues, mangeurs de volaille ou de moutons, ils etaient de la même famille…

Depuis ce temps là, ils rodent tous les deux dans les sombres forets, s'approchant des poulaillers et des bergeries, pour voler aux hommes les meilleurs gigots, les plus délicieux chapons.

 

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