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La bête du Gevaudan
COPPIN, Brigitte, Seize contes de loups, Flammarion, n°680

Étrange loup que cette Bête du Gévaudan qui ravagea les villages du Massif Central au dix-huitième siècle. Les historiens et les amis des loups en parlent encore.

GévaudanCe nom sonne comme un étrange voyage : des plateaux couverts de landes sauvages, des fermes isolées par d'immenses forets d'arbres noirs.

C'est un pays rude que ces monts égarés au coeur du Massif central. Tel est le pays qu'avait choisi la Bête, pour tuer, pour terroriser, il y a longtemps, bien longtemps.

Le premier cercueil que l'on porta en terre contenait le corps de Jeanne, qui n'avait que quatorze ans. On l'avait trouvée près du bois, déchiquetée par une bête énorme.

Peu après, une autre fillette tombait sous les griffes du monstre.

Quelques jours plus tard un jeune garçon était taillé en pièces, et puis un autre, dont les parents ramassèrent les membres épars ; enfin une petite fille était dévorée dans son jardin.

Ainsi s'acheva l'été 1764. L'automne s'installa et la peur grandit à mesure que les nuits s'allongeaient. Les crimes se répétaient, se rapprochaient.

La Bête ! Le mot était sur toutes les lèvres. Certains l'avaient aperçue, d'autres croyaient l'avoir vue. Tous disaient qu'elle était plus haute qu'un veau, couverte de poils fauves, avec un mufle diabolique et des mâchoires…!

Ses morsures ne ressemblaient à aucune autre. A quelle bête appartenaient donc les dents capables d'un tel carnage ?

Pour calmer la peur, on fit venir les soldats. Dix mille hommes, armés jusqu'aux dents, fouillèrent landes et buissons pour trouver le repaire de la Bête.

A chaque battue, ils perdaient sa trace sur les pentes d'une montagne, le mont Mouchet, là ou la foret est si profonde qu'elle semble avaler les silhouettes des braconniers, des loups, des loups garous…

Même les chasseurs les plus aventurer. La Bête, elle, semblait partout à la fois. Pendant qu'on la cherchait en Gévaudan, elle massacrait en Auvergne. Plusieurs fois, un soldat crut l'avoir touchée. Elle s'effondrait et toujours se relevait.

Allait elle enfin mourir dans un coin ? Pas du tout : le lendemain, elle égorgeait à nouveau.

Le diable en personne n'aurait pas eu la peau plus dure ! Depuis sa cour dorée de Versailles, le roi Louis quinze finit par s'émouvoir. Il envoya sur place son lieutenant de chasse, un tireur d'élite, qui fit aussitôt creuser des pièges. L'animal féroce vint tuer jusque sous ses fenêtres sans se laisser jamais prendre.

Comme si, à chaque fois, quelqu'un l'avait prévenu, protégé… Au mois de septembre 1765, le lieutenant des chasses royales tua un loup énorme.

Croyant l'affaire classée, il regagna Versailles au plus vite pour recevoir la récompense et la gloire.

De leur côté, les habitants du Gévaudan reprirent espoir. Bientôt, le carnage recommença. Peu de temps après, une nuit de pleine lune, un habitant du pays fut réveillé par un bruit venant du dehors. Il se leva et découvrit une forme étrange qui se baignait dans le ruisseau près de sa maison.

Une bête ! La Bête ? Ou plutôt...un homme couvert de poils fauves ?

Alertée par le bruit, la forme étrange bondit sur celui qui la regardait. Le villageois se barricada au plus vite mais… il avait cru reconnaître un certain Antoine Chastel, un garde forestier qui se faisait parfois loup garou.

Cet homme sauvage, à demi fou, ce meneur de loups, vivait sur les pentes du mont Mouchet, là ou la Bête avait son repaire. Enfin, vint le jour ou la Bête disparut. Et ce fut Jean Chastel, le père d'Antoine, qui fit la besogne. Il avait pour surnom << le Masque >>. On le disait sorcier.

En juin 1767, une fillette se fit dévorer dans son village, à deux pas de chez lui.

Cette petite morte lui chavira le cœur. Il n'y tint plus : la Bête devait mourir ! Il fit fondre les médailles de la Vierge qu'il portait à son chapeau et obtint trois balles qu'il fit bénir par le prêtre.

Car les balles bénites sont les seules qui tuent les loups garous. Chacun savait cela en ces temps lointains.

Quelques jours plus tard, il rencontra la Bête. Posté au creux d'un chemin, il lisait ses prières quand il la vit venir. Elle ne bondit pas, elle semblait l'attendre. Il prit son temps, acheva sa lecture, arma son fusil et tira. Elle s'effondra et ne se releva plus.

Le corps du monstre fut bourré de paille et promené de village en village.

Puis, sur les chemins cahoteux de France, on le traîna jusqu'à Paris ou il arriva dans un tel état de décomposition qu'il fallut l'enterrer au plus vite, sans l'étudier.

Ainsi disparut la Bête du Gévaudan et personne aujourd'hui ne sait quel était son vrai visage.

 

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